Pour tous les acteurs de la gestion de fortune, y compris les gestionnaires de fortune indépendants (GFI), l’audit du processus de décision de placement au sens de la loi sur les services financiers (LSFin), soit l’exécution et le contrôle des mandats, se fait en application des points d’audit « Règles de comportement concernant la fourniture de services financiers (Suitability) ».
Ces programmes d’audit minimaux de la FINMA ont été repris sans différences matérielles par les organismes qui surveillent les GFI. A ce titre, ils s’imposent à toute la branche, quand bien même, juridiquement parlant, ils n’ont pas force de loi. Par le passé, le milieu bancaire avait d’ailleurs reproché au régulateur de tenter d’introduire par ce biais des exigences supplémentaires ou nouvelles qui n’avaient pas de fondement dans la réglementation. Rien de tel en matière de Suitability, puisque le standard d’audit reprend les codes de l’allocation d’actifs (établissement d’un profil de risque, définition sur cette base d’une stratégie de placements et suivi en continu des portefeuilles par le gérant, sous la surveillance du risk manager).
Bien plus, il n’y a pas de critères obligatoires qui sous-tendent l’organisation de la stratégie de placement, de sorte que plusieurs méthodologies sont envisageables pour assurer un suivi professionnel du profil de risque. Sur le plan des contrôles, on constate cependant une nette tendance des auditeurs à vouloir se reposer sur l’automatisation, en prenant comme base des fourchettes de fluctuations des classes d’actifs qui composent le portefeuille du client et à l’intérieur desquelles il faudrait rester. A défaut, la déviation doit être justifiable et documentée, idéalement via un système de gestion de portefeuille (portfolio management system, PMS).
Puis vient le test du marché – le seul qui vaille – et qui explique la plupart des déviations intervenues en 2022 ; en tout cas pour ceux qui en sont restés à la méthode « traditionnelle » d’allocation 60/40. Dans ce cadre, on (re)découvre même les vertus d’une diversification cash ponctuelle et décidée à bon escient. Pour les années précédentes, on s’est rendu compte, un peu stupéfait, que sous l’effet pervers des taux bas ou négatifs, on peut acheter des obligations souveraines de longue durée pour le gain en capital et des actions pour le rendement du dividende. Le monde à l’envers ! Protéger les clients, c’est aussi admettre qu’on peut difficilement se prémunir contre les temps incertains lorsqu’on est investi, même dans des produits simples. Lorsque les taux sont négatifs ou alors quand tous les marchés dévissent en même temps comme l’année passée, on peut même dire adieu, au moins temporairement, aux « fondamentaux » de l’allocation d’actifs, ainsi qu’à l’information qui se base dessus.
Face à l’épreuve des marchés, que les destinataires et premiers lecteurs de cette Newsletter vivent au quotidien, il faudra à l’auditeur plus que des rudiments de gestion d’actifs. Il devra être capable de comprendre ces phénomènes financiers, outre que de s’ouvrir aux autres méthodes de suivi du profil de risque, notamment celles qui n’ont pas pour seule base la corrélation entre actions et obligations.
Quant aux juristes et Compliance Officers, qui sont généralement moins rompus aux choses de la finance, rappelons-leur simplement cette évidence toujours bonne à dire : La LSFin n’a pas pour but de transférer les risques de pertes inhérents à un investissement du client vers son gérant. Une banque ou un GFI ne peuvent donc pas être tenus pour responsable si des investissements choisis soigneusement au moment de leur achat perdent ultérieurement de leur valeur.
Sergio Uldry, Partner, gwp-group
Titulaire du brevet d’avocat et d’un LL.M en fiscalité internationale, Sergio Uldry est actif depuis plus de 25 ans dans le conseil aux acteurs du secteur financier. Il anime la succursale romande de gwp-group, une entreprise qui compte parmi les leaders en Suisse dans le domaine de l’Outsourcing Risques & Compliance pour les GFI et trustees. Sergio a pratiqué le métier de gérant et il est précurseur en matière d’adéquation fiscale des investissements. Il se distingue ainsi par son expertise de la gestion privée multi-pays et multi-produits. Il intervient régulièrement sur ces thèmes lors de conférences publiques et dans la presse spécialisée. Il apporte également son expertise aux banques et aux associations professionnelles, ainsi qu’aux autorités réglementaires, dans le cadre de missions.